On parle d’économie collaborative, du peer-to-peer ou du partage. Tous ces noms décrivent la même réalité, une nouvelle façon d’échanger l’information, les services et les biens. Elle repose sur l’idée que les individus méritent notre confiance et qu’il n’y a nul besoin d’institutions administratives ou politiques ni d’oligarchies industrielles pour nous dicter quoi, comment, où et quand échanger. Il y a le troc ou le don d’objets, de temps et de connaissances. Il y a aussi ce qu’on appelle les Entreprises Sociales et Solidaires, où le profit généré est mis à disposition d’un tiers bénéficiaire (employés, causes sociales ou environnementales, communautés sur internet…).
On entend par ci et là le chant révolutionnaire des communautés, mais les élites ne sont pas prêtes à perdre leur hégémonie et répondent férocement. A l’économie du partage se substituent de larges plateformes de commerce en ligne, la communauté laissant place aux groupes de consommateurs. Le peer-to-peer, lorsqu’il est mis sous tutelle du capitalisme libérale, bouleverse les statuts sociaux légiférés et créent de la précarité. Les individus travailleurs et créateurs de la valeur se retrouvent devant un vide juridique et législatif mettant en péril les acquis sociaux. Les élites reviennent alors sur des siècles de lutte et proposent le modèle précaire comme modèle social naturel répondant à une logique économique impérieuse et prétendument neutre, celle d’un libéralisme où le plus riche a tous les droits.
Il n’est pas extravagant de douter de la viabilité d’un tel système. Un jour la masse se retournera contre son élite et la violence d’une telle révolte dépassera certainement l’imaginable.
Il est urgent de créer une économie durable. Elle devra être démocratique donnant le pouvoir à la majorité et la retirant à l’élite, protégeant les minorités et libérant la création, la valeur et l’échange. Il est temps de s’interroger sur le sens que nous voulons donner à l’économie du partage : elle peut être l’alternative à ce que nous vivons aujourd’hui, un monde où la distribution des richesses n’a jamais été aussi inégale et où l’exploitation exponentielle des ressources nous pose la question écologique du point de non retour. Sinon elle sera la dernière terre sèche avant le grand déluge.