Après un journal et un musée, une université et 147 morts… Lorsque la culture et la connaissance sont attaquées, c’est notre humanité qui est mise en sang.
Je lis qu’un ancien professeur de cette université faisait partie des assaillants et je me souviens…
Je me souviens comment mon maître d’école Ibrahim avait fait de notre classe son prêchoir. Au lieu de nous enseigner l’arabe, ils nous racontaient les 7 vierges qu’attendent les hommes là-bas au Paradis, la transformation des mères en colombes et les détails infâmes de l’enfer où brûleraient selon lui la directrice de notre école primaire, française, femme au large décolleté et fumeuse.
Nous avions aussi des tests ludiques. Si une épouse prépare mal le petit déjeuner, que faire? La réponse me glace toujours le sang : lui verser une bouilloire d’eau chaude sur le corps. Une femme est d’abord une bonne épouse, d’ailleurs comme j’étais brillante et qu’il m’aimait beaucoup, il me proposait pendant le cours comme épouse à celui qui donnerait la bonne réponse.
Enfin et dans la logique des choses, il était violent. Il battait les élèves. Tout le monde y passait sauf moi, ma mère l’en ayant défendu en début d’année. Coup de pieds aux fesses en montant les escaliers, coups de bâtons à chaque mauvaise réponse et toutes sortes de coups pour les garçons qui devaient se retenir de pleurer parce qu’ils étaient des hommes, des vrais. Son slogan en arabe : le bâton est la clé de l’esprit.
Je n’ai aucun souvenir de peur. Nous aimions aller en cours, toute cette démagogie ne me déplaisait pas, c’était folklorique. A cette violence nous avions choisi la soumission. Je revenais à la maison et je demandais à mon père de réviser son comportement, je le voulais au Paradis pardi !
En milieu d’année, il avait quitté l’école. Je me demande ce qu’il est devenu, s’il a eu d’autres élèves, ce qu’ils sont devenus…
La question que je me pose maintenant est de savoir combien de Ibrahim y-a-t-il au Maroc, combien d’élèves se sont soumis à cet enseignement, quelles en sont les conséquences aujourd’hui?
Article publié sur Facebook le 05/04/2015.