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Femmes ! Vie ! Liberté !

Il y a trente ans, ma mère me donna la vie mais dût se résigner quand mon père choisit mon prénom. Je m’appellerais Hajar et c’est ainsi qu’il me transmettait son lègue, une ode à la liberté. Il me répétait dès mon plus jeune âge l’histoire de cette jeune esclave, mariée au roi et prophète Abraham avant d’être abandonnée dans le désert avec son nourrisson. Les musulmans se remémorent son calvaire à l’occasion de leur pèlerinage à la Mecque, lorsque désespérée elle recherchait de l’aide pour sauver son fils d’une mort certaine. Elle était esclave mais elle devint libre au moment même de sa répudiation. Nous pouvons naitre libre ou esclave, gagner notre liberté ou se la voir délivrer, ou encore accepter de porter des chaines et croire que c’est cela, la liberté.

Avec mes parents, nous mangions un couscous régulièrement à l’association Solidarité Féminine. Les mères célibataires et leurs enfants officiellement « bâtards » du royaume chérifien, y trouvaient un refuge et un travail. Elles étaient cuisinières et serveuses et nous offraient l’un des meilleurs couscous de Casablanca. Elles étaient fières et debout dans une société parfois si lâche. Madame Ech-Chenna, fondatrice de l’association, ainsi que ses nombreux bénévoles faisaient figure d’Ange Gabriel, s’opposant à l’injustice et se mettant du côté du plus faible. Au moment-même où j’écrivais ces lignes, j’apprenais que cette grande dame, lumière de notre siècle s’était éteinte et nous laissaient orphelines. Qui pour poursuivre son combat ? Qui pour mettre fin à ce traitement abjecte des mères célibataires et de leurs enfants ? Des écoles ou des hôpitaux porteraient-ils son nom ? Des lois, peut-être ?

Mon père ironisait. Tous ces croyants monothéistes célébrant avec ferveur des mères célibataires. Des féministes qui s’ignoraient. Deux femmes, Marie et Hajar, qui n’avaient craint personne, qui avaient tenu par conviction ou par instinct de survie et qui feraient la légende des hommes. Avec un tel prénom, mon père me donnait le La : Pour être femme, nul besoin d’homme. Tu seras libre ma fille. La liberté étant tout sauf légèreté. Elle incombe une responsabilité et est source de nombreuses déceptions et désillusions. Elle commence par le libre-arbitre et la volonté de questionner ce qui est établi. Elle s’exerce lorsque le non est exprimé. Antigone, l’héroïne grecque tragique par excellence s’exclamait : « Je crie non, rien que non, rien d’autre n’est utile. Non, seul suffit. ». La liberté se poursuit par la résistance. Le reste ne sont que péripéties et chutes dramatiques car il ne faut pas s’y méprendre, la fin est rarement heureuse.

Le libre-arbitre se construit parfois à l’école des tables et des crayons, souvent à l’école de la vie. Je me souviens d’un documentaire sublime « Iran, le chant de la bergère » où Firouzeh, femme de 82 ans, autonome et indépendante, nous racontait son attachement à ses vaches et comme elle refusait de rejoindre ses enfants à la ville. Elle préférait la vie solitaire dans ses pâturages à une mort entourée et puis elle jurait loyauté à ses vaches. Ce film était pour moi une leçon de liberté, d’humilité et d’amour. Pourtant, Firouzeh n’était jamais allée à l’école. Elle ne savait ni écrire ni lire mais elle en savait beaucoup sur la vie. Elle était analphabète et sage et j’apprenais d’elle bien plus que d’un quelconque philosophe illisible.

Le libre-arbitre exige un temps d’observation, de macération des valeurs transmises et de construction des convictions au contact du réel, des choix à faire. L’exercice de la liberté requiert de la prudence et de l’intelligence qui nécessite du silence et un pas de côté. Elle réclame de la sagesse quand on la croit l’apanage des jeunes et des esprits fougueux. L’absence de peur et leur certitude d’un succès proche et irréversible constituent certes un fort avantage concurrentiel.

Nous pouvons aussi délibérément choisir de ne pas exercer cette liberté, par peur des répercussions légales, pour ne pas blesser ou être rejeté, par facilité et confort ou parce que l’on juge l’enjeu faible. J’ai personnellement expérimenté chacun de ces cas et je revendique et défend le droit à la faiblesse.

D’autres femmes et hommes ne peuvent se permettre ce luxe et je souhaite les célébrer ici. Leur bravoure nous inspire et grandit l’humanité. Je les aime profondément et je crains pour chacun d’eux car leur vie compte et leur sang est une perte incommensurable pour les civilisations libres, partout, au-delà de toutes les frontières. A vous femmes et hommes iraniens aujourd’hui dans la rue, bravant l’obscurantisme, les mollahs assassins et les balles, je scande à mon tour : « Femmes ! Vie ! Liberté ! ».

Depuis Stockholm, terre du Nobel de la paix, de l’esprit de cohésion et de consensus, je souhaite faire ce pas de côté pour raconter mon expérience de la liberté et penser ce qu’elle pourrait signifier pour une femme de notre siècle. Je m’en vais me rappeler dans les articles à venir ces quelques femmes et hommes qui me donnent le goût de la liberté.

Le problème au Maroc se résume en deux mots : être femme

Le 21 septembre 2017, à Genève, le Maroc a rejeté 53 des 244 recommandations du Conseil des droits de l’Homme à l’ONU, dont quatre à souligner au feutre rouge: l’abolition de la peine de mort, la décriminalisation de l’homosexualité, l’égalité entre hommes et femmes dans l’héritage et l’abolition de la criminalisation des mères célibataires ainsi que la reconnaissance complète de leurs enfants sans autre différenciation juridique.

Lien vers l’article : https://ladepeche.ma/legalite-en-heritage/

Lien vers l’article republié par Courrier International : https://www.courrierinternational.com/article/le-probleme-au-maroc-se-resume-en-deux-mots-etre-femme

 

À mon tour, je rejette cette politique et cette position d’un Maroc qui n’est pas le mien. Ce pays est celui de la tolérance et de l’intolérance, des doux progrès et des extrémismes violents.

 

Chaque nation a ses contradictions et chacun choisit son camp. Je choisis celui de l’autre Maroc, celui de la vie, de l’amour, de la femme, de la mère et de l’enfant. Les hommes n’ont que faire de mes applaudissements, ils ont pour eux le pouvoir, c’est bien assez.

 

Cette politique qui nous saigne à blanc, je la rejette par conviction, avec vigueur et constance. Je la rejette comme elle me rejette quand son non est aussi catégorique et agressif. Je lui réponds un non tout aussi tranché. Je le crie, je le murmure, je le passe comme un témoin et je l’écris. Oui, j’écris pour ma dignité bafouée. J’écris parce que sinon je coulerai avalée par l’océan, la mer et le désert qui nous encerclent, effaçant nos histoires et nos peines. J’écris parce qu’autrement je disparaîtrai happée par un trou noir, celui de la médiocrité offensive qui nous oppresse.

 

LIRE: Lettre à un jeune Marocain

 

Chacune de ces causes mérite des essais, des romans, des films, des lecteurs et des publics, des vies engagées à les défendre. Pour ma part, je suis complètement bouleversée par celles qui touchent aux femmes, pour des raisons personnelles évidentes. Elles me donnent à penser que le problème n’est pas d’être une femme libre, émancipée, mère et célibataire, femme qui travaille ou femme photographe, femme qui aime, femme seule, femme engagée ou complètement lunatique. En réalité, le problème au Maroc se résume en deux mots: être femme.

 

La taxe de la honte

La répartition inégale de l’héritage est symptomatique de la place qui lui est octroyée. Une fille hérite la moitié de son frère, une fille unique la moitié de la fortune de ses parents quand le fils unique prend tout. L’épouse vaut un huitième quand l’époux vaut un quart.

 

Pour une culture qui sacralise tant la famille et le modèle marital, il est étrange de voir le traitement réservé à l’épouse qui une fois veuve ne relève plus que de l’anecdote. Elle devient patrimoine. Au fils de prendre soin d’elle, comme il le ferait de la maison de plage.

 

La fille de laquelle les parents ont exigé autant d’esprit et encore plus d’honneur qu’à son frère n’est plus qu’une moitié d’homme. À son mari de la prendre en charge. Paieraient-elles la moitié de la TVA ou de la taxe sur les revenus? Monde cynique.

 

Plusieurs moyens légaux de contourner cette loi existent. Il est possible de mettre un bien au nom de ses enfants ou de faire des donations tout en jouissant de l’usufruit jusqu’à la mort du dernier parent. Cela demande un simple passage chez le notaire et le règlement d’une taxe. J’appelle cette taxe, la taxe de la honte. Rajouter à l’angoisse de la mort, celle de devoir réparer une loi discriminatoire est une honte. Faire payer à des parents une taxe pour avoir donné naissance à une fille est une obscénité.

 

Mon père en est le coupable et je ne le remercierai jamais assez pour son crime, m’avoir faite héritière du X de ma grand-mère. La filiation et la génétique sont des sujets passionnants, davantage quand l’État ne s’en mêle pas, pour faire d’une différence une inégalité. Aujourd’hui, la loi nous explique que le X donné par le père est un défaut, l’indicateur génétique d’une défaillance physique qui vaut à la femme de représenter la moitié d’un homme. C’est toujours surprenant de voir comment un état peut mettre ses concitoyens en situation de précarité et d’insécurité.

 

C’est aussi là un sujet intéressant à étudier, si l’on met de côté les histoires réelles et dramatiques qui en découlent. Car oui, nous avons tous en tête ces récits de pères trop jeunes pour mourir, n’ayant fait aucune de ces démarches et de charognards réclamant leurs dus à la veuve et aux orphelines. Ces appartements réquisitionnés et ces biens jamais partagés car il fût impossible de réunir toute la famille et de trouver un compromis. Nous les avons vus et entendus et nous avons fermé les yeux, bouché les oreilles et cousu la bouche.

 

Le bateau coule et l’équipage annonce: les hommes d’abord

L’explication devant l’ONU était toute trouvée: ce serait religieux. Je la réfute. Si la raison échappe à une décision et que seule la religion l’appuie, je suppose alors que ce n’est là que prétexte pour justifier l’injustifiable. D’autres expliquent que cette même loi apporta en son temps une correction à une inégalité qui était totale. Je dis à tous ceux-là, soyez-en à la hauteur et terminez ce qui a été commencé, c’est-à-dire la reconnaissance de l’égalité complète des hommes et des femmes.

 

Autrement, s’il s’agit de punir l’autre sexe d’un quelconque pêché, d’une pomme arrachée de l’arbre de la connaissance et mangée par Hawae et Adam, alors je le conteste. En tant que citoyenne de l’an 2017, je refuse de subir les préjudices d’un acte commis par une aïeule dont on m’attribue la filiation. Et quand bien même ce serait le cas et que son acte eut été un crime, quel pays de droit commun condamne pour l’éternité les descendants du coupable? Sommes-nous les acteurs d’une tragédie grecque? La fatalité des Dieux a-t-elle frappée nos esprits? Les oracles auraient-ils parlé? Ou sommes-nous dans un état de droit et de raison? Où sommes-nous?

 

Mon esprit rêvasse, fatigué, et divague sur un paquebot, le Titanic. Bien sûr, il y a Rose et Jack, ces visages angéliques mais pas moins suggestifs, qui condamnent l’amour romantique à la mort. Mais il y a aussi le bateau qui coule et le capitaine qui pose une règle, les femmes et les enfants d’abord, de la première classe certes mais ceci est un autre problème. Cela me fait penser que chez nous, le bateau coule et l’équipage annonce: les hommes d’abord.

 

Ad vitam eternam, les lois pourront être injustes, à la différence que cela se saura. Nous laisserons derrière nous, contrairement à nos grand-mères et arrières grand-mères et aux trente générations de femmes qui nous ont précédées, nos témoignages, nos colères écrites et les films de nos indignations et de nos combats. Nous mettrons sur papier les horreurs vécues par celles qui ne purent écrire leur vie, privées d’éducation. Nous écrirons ces histoires chuchotées par nos grand-parents et nos parents les nuits de veillée.

 

Nous sommes avec nos mères, les premières d’une lignée de femmes éduquées et c’est comme cela qu’une révolution lente et silencieuse a lieu, au Maroc et ailleurs au Maghreb et au Moyen-Orient. Les talibans ne s’y trompent pas en attaquant les écoles, frappant Malala d’une balle à la tête, car l’éducation des femmes est ce point de rupture qui consent au basculement de l’histoire.

 

L’arbre de la connaissance est dorénavant secoué tous les jours et les pommes qui en tombent sont mangées goulûment. Nous sommes assoiffées de lecture et d’écriture. Nous avons faim de mathématiques, de physique, de biologie, de médecine, de psychologie et de droit. Notre raison s’aiguise et nos désirs s’affichent. Un nouveau monde émerge et prend racine sur celui des hommes qui sans être rejeté sera transformé.

De fait, si cette loi et toutes les autres, ne sont pas abrogées aujourd’hui, sachez qu’elles le seront demain car nous veillerons à ce que nos filles et nos petites-filles aient notre parole gravée dans le marbre et tissée sur la toile, comme ces hiéroglyphes que ni le temps ni les défilés civilisationnels ne surent effacer.

En 2017, 52% des admis marocains au baccalauréat étaient des filles. Elles ont aussi dominé le classement des meilleurs résultats, malgré tous les indicateurs qui démontrent un accès à l’éducation plus difficile pour les filles que les garçons. Nos adolescentes font preuve d’abnégation et de détermination et gratifient leurs parents d’une grande fierté par leur réussite et leur intelligence. Ne méritent-elles pas mieux qu’un non catégorique à leurs droits devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU? Ne méritent-elles que cette humiliation publique sur la scène internationale?

 

À ma grand-mère paternelle qui avait tant regrettée de n’être pas allée à l’école, à ma grand-mère maternelle qui reprocha toute sa vie à ses parents de l’avoir envoyée en ville loin des siens à ses cinq ans, à cette même grand-mère qui retira son niqab, fière et libre, à l’âge de trente-cinq ans, à ma mère et à mes tantes qui prirent le train de la modernité pour créer une réalité nouvelle dont nous jouissons aujourd’hui, aux hommes de ma famille qui veillèrent à corriger toutes ces inégalités indues, je dédie ce texte.

 

Enfin, à ma fille, à ma petite-fille, à mon fils et à mon petit-fils qui n’êtes pas encore de ce monde, je vous fais les héritiers de ce combat car comme dit Chateaubriand, la vie est un « funeste présent ». J’y ajoute que s’en montrer digne en est le fatal revers.

Lien vers l’article : https://ladepeche.ma/legalite-en-heritage/

Lettre à un jeune Marocain

“Un homme, ça s’empêche.”, une phrase lourde de sens que nous devons au père d’Albert Camus. Elle nous questionne sur les notions de responsabilité et met à mal nos pulsions de mort, de sexe et de possession. Je peux, mais je dois me retenir si cela fait mal à l’autre. Voyez-vous, la philosophie est une discipline de tous les jours, que l’on exerce à chaque nouvelle situation pour remettre en question nos valeurs et se forger des convictions réfléchies et non héritées d’un temps révolu. Mais voilà une discipline qui n’a plus sa place dans notre pays depuis bien des années maintenant. L’origine du mal est là.

De quoi parle-t-on exactement ? La scène se déroule dans un bus de Casablanca en pleine journée. Les personnages, six adolescents entre 15 et 17 ans et une jeune femme de 24 ans, handicapée mentale. Non, ce n’est pas une sortie de classe, ce n’est pas non plus un gang bang. Il s’agit plutôt d’un film d’horreur. Ils descendent son débardeur, pelotent ses seins, les tètent. L’un retire son t-shirt. Il faut l’émoustiller, une sorte de parade amoureuse vite fait, bien fait. Un autre s’agrippe à elle, par derrière, frottant son pénis à ses fesses. Ils rient, ils blaguent. C’est hilarant. Elle crie, supplie, se débat et continue de marcher vers l’avant du bus, ce que lui dicte son instinct de survie. Personne ne s’interpose. Ou plutôt si, mais en voix off. La voix d’un jeune garçon qui n’apparait pas mais que l’on entend implorer les chasseurs de laisser la biche en vie. C’est cette petite voix d’un gamin qui sans lire Camus, fait preuve d’empathie et de philosophie car même dans les films les plus gores, il nous faut cette petite voix qui rassure avant l’apparition du monstre. Bouh ! Pas d’adulte ? Si, un seul, disons sain d’esprit, le conducteur du bus. La compagnie assurera que rien ne prouve qu’il ne l’ait pas défendu. Vrai. Et puis comment peut-il entendre les hurlements d’une femme dans le brouhaha d’une mégalopole comme Casablanca ? Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il n’appellera pas la police. Action.

Des viols, il y en a tous les jours, partout dans le monde. On viole des femmes, des enfants, garçon et fille, des hommes aussi. En France, 98% des viols sont commis par des hommes et 93% des victimes sont des femmes. Je n’ai pas trouvé de chiffres concernant le Maroc. À vrai dire, les pays où l’on note le plus de cas de viols sont paradoxalement les pays où la femme est la plus libre : la Suède, l’Allemagne, la France, le Canada, … Mais ne vous y trompez pas, ce sont là les pays où il est légitime et encouragé de se plaindre à la police. Où la caresse de votre cuisse est considérée comme une agression sexuelle, le refus de porter un préservatif aussi. Le Maroc, longtemps loin de ces questions, protégé par le silence de ses femmes, n’a pas vu venir la révolution digitale et technologique des réseaux sociaux et de la caméra intégrée au smartphone.

Qui est coupable ? D’abord, ces jeunes garçons. Qui est la victime ? La jeune fille. C’est un éclaircissement en réponse aux quelques appels sur les réseaux sociaux à la condamnation de la jeune femme. Je cite : « Au contraire, je pense que c la fille qui devrais être présenter en justice vu ce qu’elle porte comme vêtement de provocatrice et la question qui se pose que fait-elle avec un groupe de garçons derrière un bus. », Art Director Marocain. Cela me rappelle que deux semaines en arrière, j’étais pour la première fois, sur une plage à Barcelone. Des femmes de 35 ans, 40 ans peut-être, nageaient avec leurs enfants, des garçons entre 6 et 9 ans. Elles jouaient avec eux, les portaient sur leur dos, tous riaient aux éclats et semblaient heureux. Cette image m’a marquée car arabe que je suis, j’ai remarqué qu’elles ne portaient que le bas de maillot. Je voyais ces poitrines à l’air et j’attendais une réaction violente. Rien. J’ai trouvé cette scène si belle, pleine de tendresse et de vérité, la vérité des corps nus. Les hommes étaient sur la plage à bronzer. Je n’en ai vu aucun aborder une seule de ses femmes, ni même une autre plus jeune. Je n’ai entendu aucune insulte, je n’ai vu que bienveillance et respect des femmes, des mères et des enfants. Le mot est dit, j’ai vu plus de respect sur cette plage de Barcelone, que je n’en ai vu de toute ma vie au Maroc.

D’autres coupables ? Ces jeunes sont mineurs. Nous sommes donc en droit de se poser cette question. Bien sûr, les parents ont toute la responsabilité de ce que font leurs enfants. Faire des bébés est une lourde responsabilité qui n’est pas à négliger parce qu’alors les enfants des autres en sont les premières victimes. Pendant que la police arrêtait les suspects, la presse demanda aux voisins de réagir. Dédouanant les adolescents, ils voyaient comme principales causes de ce crime, le chaos familial dans lequel ils ont grandi, ainsi que leur consommation quotidienne de psychotropes. Essayons d’avoir une vue macroscopique des analyses du voisinage. Nous sommes des bonnets d’ânes en éducation dans tous les classements mondiaux sur le sujet. Nous sommes, selon les dire de notre ministre de la santé, près de 50% à souffrir de maladies psychiques dans un contexte d’absence totale de psychiatres. D’après la CIA, le trafic de drogue représenterait 23% de notre PIB alors qu’il ne représente pour le même chiffre d’affaires que 3% du PIB mexicain que l’on considère comme un pays sous grande tension des narco-trafiquants. Nos jeunes sont drogués quand ils ne sont pas eux-mêmes des vendeurs de stupéfiants. Bien sûr, il ne faut pas oublier le quatrième facteur, qui est celui d’une religion portée à son extrême rétrograde, conservateur et conquérant, wahhabite. Faut-il rappeler que les marocains étaient entre 2015 et 2016 la deuxième nationalité à commettre des attentats suicide au nom de Daesh. Avec les derniers événements de 2017, je pense que nous pourrons prétendre à la première place. Alors, une fois ce constat fait, comment pouvons-nous penser que les femmes pourront se libérer du patriarcat pour vivre en paix les seins nus sur les plages publiques de Dakhla. Si ce n’est l’ignorant, ce sera le fou, si ce n’est le fou, ce sera le drogué, si ce n’est le drogué, ce sera l’extrémiste religieux qui la violera. Ou peut-être les quatre fantastiques incarnés en un seul homme.

Pour ceux qui lisent cet article, je vous prie de m’excuser. Je vous prie de m’excuser de partager avec vous de tels atrocités. De penser notre présent en noir. Mais comme dit mon père, être une femme est un malheur. À s’acharner sur les femmes, notre pays et le monde avec, se prive de ce qu’il y a de plus beau, la sensualité des corps féminins et la tendresse de leur être.

Rappelez-vous que la vie est seule sacrée et que ce qui donne cette vie, ce n’est pas la côte d’Adam mais le vagin de Mahjouba et ce qui la nourrit une fois au monde, ce sont les seins de Jamila. Alors, s’il y a un corps à respecter, c’est bien celui de Saida. Pour ce faire, un homme ça s’empêche.

Mon amitié et ma tendresse,

Hajar

Image : copyright Sami Ameur

Lien vers l’article : https://ladepeche.ma/lettre-a-jeune-marocain/

Le bonheur

Avez-vous jamais discuté le bonheur avec vos parents ? On nous apprend tout, à traverser la route, à compter jusqu’à 100 et à dire merci. On nous explique ce qu’est une vie digne et on nous éduque pour quelques uns à l’excellence, être le premier de la classe, résoudre une équation différentielle et analyser un texte de Maupassant. Enfin, on nous souhaite de reconstruire ce même modèle, donner la vie et être un bon chef de famille sans oublier d’être utile à la société. Mais qu’en est-il du bonheur ? Vous l’avez rencontré un jour ? Vous avez son adresse mail, son Snapchat, son Tinder ou son profil Linkedin ? J’ai besoin de lui poser deux ou trois questions.

Je crois l’avoir aperçu parfois. Vous voyez comme un amant qui apparaît quelques jours avant de se volatiliser, pouf!, pour quelques mois. Alors je me donne des objectifs, les plus ambitieux bien sûr. Je travaille dur pour les atteindre en pensant que cela le fera revenir pour toujours. Vœu pieu ou indécent pour mes 24 ans !

La dernière fois, c’était à la fin de mes études. J’avais enfin mon studio à Paris et je me préparais à rentrer dans le rang, à La Défense. Je lisais Cosmos d’Onfray sur mon lit couvert d’un drap blanc. Il me racontait le temps, le temps mort et le contre-temps. « Désormais, je peins tous les jours. » aurait dit Gauguin en quittant travail, femme et enfants pour se consacrer à sa passion. J’arrêtais de lire pour regarder les toits de Paris de ma baie vitrée et je vis le ciel sans nuage un jour de février. Je croyais voler. J’avais compris le temps et je m’abandonnais soudainement à l’instant présent. J’étais heureuse.

En fouillant dans les tréfonds de ma mémoire, je vois ma mère assise dans la salle à manger de l’ancien appartement tout juste réaménagé à son goût. En face, se trouvait mon père assis sur le fauteuil en cordes tressées dans notre terrasse qui n’avait rien à envier aux jungles les plus luxuriantes du  Cambodge. C’était à Casablanca, ma mère dessinait au fusain et mon père mangeait sa grappe de raisins verts dans son paradis terrestre comme il aimait à dire. Les murs étaient jaune moucheté, les affaires marchaient bien, leur amour avait résisté à bien des tempêtes et leur fille unique de 9 ans les aimaient d’un amour infini. Ce devait être le bonheur. En tout cas, cela y ressemblait beaucoup.

Je me souviens aussi de cette fois en Finlande. Nous étions quatre amis à faire le tour d’Europe en voiture pendant 6 semaines. Un moine chez qui nous avions séjourné une nuit était déçu d’apprendre que nous n’étions pas à vélo. Il a ri ! L’aventure n’est jamais complète et quelqu’un sera toujours là pour vous le rappeler. Donc, en Finlande, nous installâmes notre camp de nuit en pleine forêt, près d’une immense fourmilière. D’une façon ou d’une autre, les fourmis rouges nous rassuraient. Après avoir mangé notre riz et nos haricots rouges, la nuit tombée, il était temps de dormir. Je refermais derrière moi ma tente Quechua 1 seconde quand il commença à pleuvoir. J’étais protégée de la pluie par ma carapace rouge, mais je l’entendais et je la voyais. J’entendais la musique de ses gouttes qui se déversaient sur nous, un son qui ferait frémir le plus grand des musiciens. Je voyais chacune d’entre elles couler lentement en suivant la courbure de la Quechua. C’était régulier, doux et violent. C’était beau. Je dormais heureuse.

Une autre fois, j’étais amoureuse. Nous étions les yeux dans le coeur, les yeux dans les yeux puis les yeux dans la bouche. Pour la première fois, j’expérimentais le magnétisme hors des laboratoires de physique. Nos bouches s’engagèrent alors dans des abîmes non convenus pour une jeune fille rangée. Mais l’ai-je jamais été, rangée ? Euphorique, je pensais tenir le bonheur.

Plus tard, j’étais en Inde dans les montages de Munar, avec un groupe d’étudiants d’échange de l’IIT Madras. Ce jour-là, j’ai pensé fort à mon père. Sur le chemin du retour du lycée, souvent il arrêtait la conversation pour que l’on admire ensemble un coucher de soleil. Un homme intelligent, mon père. Il me disait de bien observer l’orange intense qui annonce sa disparition prochaine à l’orée visible de l’océan. Je ne le savais pas mais il m’enseignait le bonheur. Alors ce jour-là, j’ai pensé à lui lorsque nous marchions entre les cultures de thé en attendant le coucher du soleil. Comme j’aurai aimé qu’il soit là pour voir ce jaune embrasé, cet orange brûlant, ce vert soutenu des arbres, le ciel d’abord lourd puis noir, les étoiles qui brillent et les lucioles qui illuminaient les sentiers. Heureuse, nul doute, je l’étais.

Avant d’écrire ce texte, j’ai vu un film, Hector and The Search Of Happiness. Le titre présumait l’histoire, celle d’un homme banal et cérébral qui fait le tour du monde pour découvrir que bonheur et amour ne font qu’un. Pour ma part, je découvre que le bonheur est souvent contemplatif ce qui explique peut-être qu’il soit si difficile à saisir pour nous femmes et hommes d’action. Mais aujourd’hui, je sais qu’il était là et je sais qu’il reviendra, c’est un gage suffisant pour être heureux, non ?

Pour un idéal français qui se soucie du réel

Ce texte est le résultat de ma participation au concours La Parole Aux Etudiants organisé par Le Cercle des Économistes.

http://lesrencontreseconomiques.fr/2016/resultats-de-lappel-a-idees-2016/

En 1989, le mur de Berlin s’effondre, avec lui l’URSS. L’idée d’un monde nouveau de liberté et d’innovations s’installe dans les esprits. Les progrès sociaux et technologiques donnent l’impression d’une corrélation intrinsèque. Le 11 septembre 2001 sonne le glas de ce rêve asymétrique et rappelle au monde les mondes divers, violents et parfois culturellement opposables qui le font et ont le pouvoir de le défaire. L’invasion de l’Irak en 2003 démarre l’aube de nos heures sombres. 500000 morts plus tard, la pelote moyen-orientale ne se démêle plus.

Aux temps moyen-âgeux de la guerre répond le temps supersonique de la nouvelle ère de l’information. En 1999, Google gère 3 millions de requêtes journalières contre 3 milliards aujourd’hui. En 2007, elle est rejointe par Facebook dans la course à la disruption des modes d’accès et d’échange de l’information. La même année, Lehman Brothers entraîne dans sa chute les marchés américains, puis européens et enfin mondiaux. Jamais les élites défaillantes n’ont été autant médiatisées et jamais les sentiments d’impunité et d’injustice n’ont été aussi partagés. Les sociétés sont à leur tour ébranlées. Là où nous avons espoir de pensées, nous retrouvons populisme, fait religieux, patriarcat et nihilisme publicitaire. Jeunes et moins jeunes, où qu’ils soient du monde moderne, sont las de réfléchir.

Voici l’épopée de l’époque contemporaine : révolution de l’information, avancées importantes des droits civiques et victoire de l’économie de marché. “Et maintenant on va où “? Nos interrogations défilent dans ma tête. Que va-t-il advenir de l’homme une fois l’automatisation du travail achevée ? Pensez-vous qu’il y ait choc de civilisations ? Ou bien sommes-nous seulement contraints de vivre sous violences terroristes ? Et surtout, que va-t-il advenir de la Femme, première victime de la précarité, du fait religieux et du populisme ?

Alors que pouvons-nous attendre de la France dans ce monde de turbulences ? Que doit-elle à son peuple ? Que doit-elle au reste du monde ? L’histoire et l’expérience de la vie montrent qu’il n’y a rien à attendre de personne, il y a à faire. Qu’avons-nous donc à proposer à la France ?

 

Douce France

J’ai eu la chance de rencontrer la France très jeune. J’avais huit ans, c’était au Maroc à l’école, j’ai appris ma première balade, Douce France. Ce n’était pas le pays de mon enfance mais celui de mes escapades. J’ai réussi quelques années plus tard, le test d’entrée en 6ème du lycée français de Casablanca. Ce fut absolument incroyable, cette impression chaque matin de traverser les frontières de l’espace, du temps et de l’esprit. Cosette, Meursault, Emma Bovary et Julien Sorel éveillent votre conscience sociale ; la Révolution Française, l’Humanisme du XVème siècle et les affreuses guerres -mondiales et de décolonisation- construisent votre engagement politique. Les philosophes des Lumières m’ont bouleversée, Jules Ferry m’a trahie et c’est comme cela que j’ai aimé la France passionnément, à la folie.

 

Bonjour Tristesse

Plus tard, pendant mes années préparatoires en France, j’ai découvert une France qui a peur. 2011, la crise bat son plein et personne n’est d’accord. Là-bas c’est quand même mieux qu’ici, ici c’est quand même meilleur que là-bas. Et avant alors ? Avant c’est tout de même moins bien qu’après, après c’est pire qu’avant ! J’ai entendu des débats stériles alors que de l’autre côté de la Méditerranée se jouait un certain avenir du monde. La France voulait croire après des siècles de voyages, de rencontres et de colonialisme, que tout cela ne la concernait pas. Le American Dream, certains le rêvaient en France. Résoudre les problèmes par les bombes paraissait une bonne solution. La Silicon Valley semblait aussi une curiosité imprévue, un miracle américain. Pourtant tout l’avait préparée, tout y avait contribué : les recherches scientifiques depuis l’antiquité, les courses à l’armement du XXème siècle, l’empire communiste chinois, l’Inde (nouveau bureau du monde), les inégalités résultant de la mondialisation, enfin l’explosion de l’exploitation des énergies fossiles arabes et des mines africaines… Au même moment, la France voulait croire que le réveil identitaire sauverait son honneur. Bonjour Tristesse. Je ne l’ai pas lu, mais je l’ai pensé fort.

 

Candide

Tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes. Le World Happiness Report a livré il y a quelques jours son classement des pays les plus heureux. La France y est 32ème. Depuis le premier rapport en 2012, elle a perdu 9 places. Les pays qui la devancent sont occidentaux, avec des régimes démocratiques et économiquement stables et riches, mais pas forcément plus riches que la France, VIème puissance mondiale. Suffira-t-il de baisser la courbe du chômage pour retrouver le sourire? Mis à part celui du président, je n’en suis que peu sure. Est heureux celui qui réalise sa destinée.

La France, qu’est-ce que c’est ? C’est une histoire, liée à une première civilisation, celle du roi Clovis et de Sainte Geneviève, suivi des Lumières et de la Révolution Française, constituée par des Républiques, un empire colonial africain et des guerres violentes. C’est aussi un système de valeur qui tient au présent : Liberté, Egalité, Fraternité. Je rajouterai comme le fait toujours le philosophe Michel Onfray, Laïcité et Féminisme. Les pays nordiques trouvent leur bonheur dans le progressisme et le désengagement du monde. Les pays anglo-saxons l’entretiennent par l’impérialisme libéral. Et si la France décidait de réaliser son bonheur par le progressisme social et l’engagement pour et dans le monde(1). Candide s’échappe de la réalité brutale en se retirant dans son jardin, Voltaire fera de même en Suisse. Faut-il suivre l’exemple ? Je pense à mon séjour à Pondichéry, ancien comptoir français. Encore une fois, en m’y baladant, j’étais tombée en amour pour la France, celle qui sublime ce qu’elle n’est profondément pas. Cultiver son jardin et explorer puis célébrer des parcs floraux et des forêts luxuriantes loin de ses terres, c’est possible aussi, n’est-ce pas? La réalisation de sa destinée, Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité et Féminisme sera seule garante du bonheur de la France(2).

 

Ethique pour la visée d’une vie accomplie

La même étude sur le bonheur commandée par l’ONU indiquait des axes d’amélioration : l’éthique laïque et le développement durable.

Paul Ricoeur écrit dans Soi-même Comme Un Autre : “C’est donc par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de la morale pour l’articulation de cette visée dans des normes”. L’éthique est en réalité Révolution, elle agit comme coupure pour faire naître le nouveau monde, c’est ma théorie. Elle le fait par le questionnement continu et transdisciplinaire des problématiques posées à une société. Innovation et Révolution ne sont pas dans la découverte scientifique ou économique ni même dans la découverte intellectuelle, mais dans l’usage protecteur ET libérateur qu’il en est fait.

Entre Tu ne tueras point, tu prieras et Tu ne tueras point, tu achèteras, il y a une alternative : Tu ne tueras point, tu vivras. Vivre c’est faire l’expérience sensible de la vie sans oublier de la penser. Aujourd’hui, la politique est devenue communicante, le public, administratif et l’économie, ensemble de faits et se sont échappés à la pensée. La France que je connais, s’arrache de sa condition et tue le père. Elle coupe la tête du roi en 1793, se sépare définitivement du pape en 1905 et provoque la démission en 1969 de celui qui a sauvé son honneur en 1945. Je ne vois pas d’autre terre mieux préparée à l’éthique laïque, en fera-t-elle le pari ?(3).

Imaginons ensemble une France où des groupes d’employés ou de citoyens sont tirés au sort pour prendre les décisions impliquant le commun. Imaginons ensemble une France où des comités d’éthique indépendants, composés d’individus de parcours divers, nuancent les décisions de tel ou tel groupe industriel devant la loi et les médias. Enfin, imaginons ensemble une France où partout les philosophes animent chaque dimanche après-midi au sein d’une agora des débats économiques et sociétaux. Il s’agit de mettre à mal l’expertise au profit de la pensée transdisciplinaire et le schéma maître élève pour un partage horizontal et consensuel de l’information. En décentralisant les prises de décisions, en mettant à plat les systèmes hiérarchiques et faisant appel à l’intelligence collective et singulière, l’éthique laïque transformerait la société française pour une plus grande confiance dans les institutions et dans l’avenir. Ce serait l’occasion pour La France d’impulser une nouvelle ère européenne, celle des Lumières(4).

 

L’Origine du Monde

J’aime ce tableau de Courbet. J’aime ses formes généreuses, le sein timide, le pubis effronté, sa pilosité adulte assumée et le visage caché. C’est l’une des plus belles célébrations du plaisir. J’aime savoir qu’il est exposé dans la ville où j’habite, au musée d’Orsay à Paris. Je rejoins l’actrice iranienne Golshifteh Farahani quand elle explique que «Paris est le seul endroit de la planète où les femmes ne sont pas coupables.» Voici quelque chose de précieux à préserver.

Deux problématiques féministes majeures attirent mon attention : la précarité financière et la violence physique, toutes deux subies par les femmes. Les femmes sont de plus en plus éduquées et ont en moyenne un meilleur accès au monde du travail, seulement, elles sont toujours en première ligne dès qu’il y a une crise économique. La robotisation du travail n’arrange en rien leur situation. Les premiers emplois à disparaître sont administratifs, emplois essentiellement féminins. Enfin à la maison et rien qu’en France, les femmes travaillent 10 à 12h de plus que les hommes. Par ailleurs, l’ONU estime que, dans le monde, une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie. Les viols et les attouchements sont subis très jeunes pour certaines, et plus tard pour d’autres, souvent infligés par le conjoint lui-même. Les femmes s’inquiètent de voyager seules par peur des prédateurs. Si ce n’était que cela… Les “Fantine” existent toujours, les “Cosette” aussi, en France et partout sur la planète. Nous sommes des lions et nous aurions pu être des manchots empereurs.

Liberty and Education are the girls best friends ! Et nous avons besoin de voix pour défendre cette vision sur la scène internationale. Une politique étrangère féministe à la suédoise serait très bienvenue. La France et la Suède construiraient le noyau dur de l’Europe féministe(5) et apporterait un meilleur équilibre des voix entre pro et anti-féministes dans le monde. On en est encore loin car cela nécessite une exemplarité interne tout aussi souhaitable mais qui suppose une large adhésion des politiques majoritairement masculins et plutôt insensibles à la douleur féminine.

 

Résidents de la République

Insensibles, ne le sommes-nous pas tous un peu ? Face aux drames des réfugiés syriens et des migrants économiques illégaux, face aux difficultés des plus pauvres en France, face au travail des enfants en Chine et à la mort des mineurs congolais pour la fabrique de nos smartphones… Résilience et épuissement de la compassion. Enfin, quelque chose me retourne l’estomac, les attentat de Paris. 130 morts plus tard, nous nous demandons ce qui s’est bien passé pour en arriver là. Malheur à nous !

“Aujourd’hui, nos regards sont suspendus

Nous Résidents de la République.“

Engagés plus haut pour l’éthique laïque, le féminisme et l’Europe des Lumières, il est le moment de penser l’économie. Le capitalisme c’est la séparation du travail et du capital. L’argent rapporte de l’argent à celui qui possède les moyens de production. L’humain chargé de tourner les machines est salarié. Le travail a donc pour finalité d’augmenter le profit. Le libéralisme économique suppose l’économie de marché, c’est à dire une régulation déterminée uniquement par l’offre et la demande. Le libéralisme politique prône pour sa part la liberté des individus et contraint le politique à ses fonctions régaliennes. Le cocktail entre capitalisme et libéralisme est détonnant. C’est la mondialisation. Les marchés internationaux sont ouverts, l’argent roi, les biens et les services circulent à tout va et les états sont hors jeu. La liberté de ceux qui possèdent le capital est décuplée. La question de savoir si le travail asservit ou libère l’homme, traitée en terminale en cours de philosophie, est obsolète. Le sujet aujourd’hui est principalement celui de la consommation. Tu ne tueras point, tu achèteras. C’est ce qui aboutit à la crise des subprimes en 2007. Je ne suis pas viscéralement anti-capitaliste ou anti-libérale. L’exemple chinois calme rapidement mes ardeurs et mes emportées lyriques pour une société égalitaire.  

D’autres voies sont par contre louables et méritent qu’on s’y intéresse. Je pense au Kerala, état indien à mille lieux de la réalité des états indiens du Nord. Je dis toujours que j’y ai vu Mowgli et le paradis. Avec 33 millions d’habitants, il réalise le meilleur IDH de l’Inde (équivalent du Bahrein 45ème au classement mondial). Pourtant, c’est l’état avec l’un des plus faibles PIB/habitant. Ils ont fait le pari de la santé, de l’éducation et de l’émancipation des femmes avant celui de la richesse économique. Et aujourd’hui, cela paie. 92% de la population est alphabète contre une moyenne de 50% dans le reste de l’Inde. C’est ce que j’appelle le développement durable. Depuis 30 ans, le parti communiste et le parti libéral s’alternent à chaque élection et dans la radicalité de leurs propositions, le peuple trouve son compte. Enfin, les économies collaboratives et solidaires, existent depuis toujours au Kerala sans nul besoin de révolution numérique. Seule ombre au tableau, un million d’entre eux ont immigré dans les pays du Golf et contribuent de l’ordre de 20% aux revenus de l’état en allant chercher le capital là où il s’accumule pour pouvoir enfin le re-distribuer. Il y a beaucoup à apprendre d’un état qui met l’homme au dessus des indicateurs financiers. La France est en proie à de profondes remises en question concernant son modèle social unique, encore faut-il analyser les bons indicateurs pour prendre les bonnes décisions. J’ai espoir que la société française s’engage pour la diversité des solutions et le développement durable(6).

 

J’ai espoir que la France lise le darwinisme social différemment des ultra-libéraux qui pensent que seuls les plus forts (riches) survivent. Les plus solidaires vivent mieux.

 

(i) 6 propositions pour un idéal français qui se soucie du réel.

 

Pardon Wolinski, pardon de n’être pas plus courageuse

wolinski

« Les femmes sont injustement traitées sur notre planète. Elles sont mutilées, asservies, considérées comme des pondeuses et des bêtes de somme. » Wolinski.

Voilà qui est assassiné, des hommes qui voulaient la libération des femmes. Je vous le dis, ceci une guerre pour libérer les femmes.

Malala qui voulait aller à l’école au Pakistan a reçu une balle dans la tête avant de devenir prix Nobel de la paix, des kalashnikov ont retiré la vie à 17 personnes dont 4 défenseurs de nos libertés, une petite fille de 10 ans au Nigeria a été envoyée à la mort dans un marché hier une ceinture d’explosive autour de la taille.

L’islam politique est un danger, il est aussi dangereux que le fachisme. Regardez l’Arabie Saoudite, l’Iran, les Emirats, le Pakistan, l’Afghanistan. La situation de leur femme ne vous fait donc rien. Qu’une femme ait un grillage de tissu devant le visage vous semble-t-il légitime ? Qu’une femme soit interdite de conduire et soit fouettée pour avoir désobéi en Arabie Saoudite, cela vous parait-il juste? Qu’une femme soit interdite d’un match de volleyball et qu’elle écope d’un an de prison en Iran pour l’avoir réclamé, vous trouvez cela justifié?

Regardez les marocains apeurés lors de la prise du pouvoir par Benkirane, combien de femmes ministres y avait-il à l’investiture. Une. Quel ministère ? Celui de la condition de la femme. Quelle était sa position sur la loi permettant le mariage d’une fille violée avec son agresseur ? Elle trouvait que c’était la moins pire des solutions avant de céder à la pression de l’opinion publique.

Regardez les prises de position d’Erdogan en Turquie, petit à petit il rappelle aux femmes leur rôle : tenir leur foyer. Il rappelle que la femme doit savoir se tenir et éviter les éclats de rire en public. Ma professeur d’arabe en 4ème défendait la même idée pendant les cours d’éducation islamique. Cela me rappelle que l’islam enseigné à l’école marocaine mérite une réforme urgente. Le rire, cette liberté fondamentale et profondément humaine qui nous est retirée partout où l’islam politique est.

Femmes arabes qui vous dites musulmanes et libres, levez vous pour celles que vous pouvez appeler vos soeurs, prenez vos claviers et vos stylos, écrivez, dessinez, soyez courageuses. Un peuple sans courage, un peuple soumis ne peut être sauvé de son tyran. Il en est de même pour les femmes arabes et musulmanes. Du courage !

http://www.deslettres.fr/lettre-de-wolinski-sa-femme-je-crois-que-tout-ce-que-les-hommes-font-de-bien-ils-le-font-pour-essayer-depater-leurs-femmes-heureusement-quelles-existent/

Article publié sur Facebook le 12/01/2015.